Résidentiel-tertiaire : répondre aux objectifs de la transition énergétique

Plutôt que de les opposer, il faudrait combiner la rénovation à haute performance des bâtiments avec le déploiement des réseaux de chaleur, afin d’atteindre les objectifs de transition énergétique que la France s’est fixé

Encore un long chemin pour la transition énergétique du secteur résidentiel-tertiaire

Le chemin à parcourir est encore long pour respecter les Accords de Paris, et ainsi lutter efficacement contre le réchauffement climatique. En France, le gouvernement a traduit ses engagements à travers différents objectifs dans la loi énergie-climat et vise :

  • La neutralité carbone en 2050, ce qui nécessite de diviser par 6 à 9 les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 ;
  • La réduction de 40 % de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles en 2030 par rapport à 2012 ;
  • L’augmentation à hauteur de 32 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute en 2030, 38 % de la consommation finale de chaleur et 40 % de la production électrique ;
  • La réduction de 50 % de la consommation d’énergie finale en 2050 par rapport à 2012 (- 7 % en 2023, – 20 % en 2030).

Le défi est particulièrement grand pour le secteur résidentiel-tertiaire, plus gros consommateur d’énergie et deuxième émetteur de GES. En 2017, les logements et bâtiments tertiaires étaient responsables de 46 % de la consommation d’énergie finale (29 % pour le résidentiel et 17 % pour le tertiaire) et de 22 % des émissions de GES en France Métropolitaine.

En 2015, plus d’un ménage sur deux se chauffait principalement aux énergies fossiles (39 % au gaz, 12 % au fioul et 1 % au GPL). Or, gaz et fioul sont jusqu’à 2,8 fois plus émetteurs de GES que l’électricité ou les réseaux de chaleur.

De plus, 21,5 % des logements sont des passoires thermiques (étiquette énergétique F ou G). Sur ce point, l’enjeu est double : la France a encore de gros efforts à faire pour diminuer son impact sur le réchauffement climatique, mais la performance du parc français menace également la solvabilité des ménages. En effet, en 2017, 11,6 % des ménages consacraient plus de 8 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie dans leur logement. Cette part va encore augmenter, avec la hausse des prix de l’énergie observée ces dernières années et attendue pour les années à venir, ainsi que le rythme modeste d’amélioration de la performance des logements.

Réseaux de chaleur : une solution décarbonée à déployer

Les réseaux de chaleur font partie des solutions qui peuvent permettre de décarboner notre production de chaleur, si leur taux d’énergies renouvelables (biomasse, géothermie) et de récupération (chaleur issue des usines de valorisation énergétique des déchets, des process industriels, biogaz, data centers, eaux usées…) se maintient à un niveau élevé ou progresse, comme depuis la fin des années 2000. En effet, les 761 réseaux de chaleur recensés en France sont alimentés à 56 % par des énergies renouvelables et de récupération.

Les principales énergies renouvelables alimentant les réseaux de chaleur sont issues de la biomasse ou de l’incinération des déchets, ce qui permet à plus de 3 réseaux de chaleur sur 4 d’avoir un fort taux d’énergies renouvelables (> 50 % d’énergie verte). En moyenne, les réseaux de chaleur intègrent ainsi une part d’énergies renouvelables et de récupération plus importante que le réseau électrique (18,4 % en 2017) et le réseau de gaz (moins de 1 %).

Cependant d’autres sources d’énergies renouvelables sont sous-utilisées dans les réseaux de chaleur actuels. Ceci s’explique par le fait qu’un logement peu performant ne peut être relié à tout type de réseaux de chaleur. En effet, il nécessite un fluide à haute température, que peuvent délivrer les combustibles (gaz, fioul et bois) et certaines énergies renouvelables (géothermie grande profondeur, biomasse, solaire thermique). Au contraire, la géothermie très basse énergie et la plupart des énergies de récupération ne permettent pas d’atteindre ces niveaux de haute température. Pourtant, la biomasse, par exemple, peut soulever des enjeux de conflit d’usage avec les filières du bois de construction ou de la pâte à papier. Il est donc préférable de diversifier davantage les sources d’énergies renouvelables.

Le même sujet du potentiel des ressources se pose pour les énergies de récupération. Dans un monde qui va réduire sa production de déchets, et notamment de certains au pouvoir calorifique élevé comme le plastique, les réseaux de chaleur vont devoir repenser leurs mix énergétiques pour continuer à continuer à baisser leur part de recours aux énergies fossiles.

Un autre défi se pose quant à l’évolution du modèle économique des réseaux de chaleur. Il est nécessaire de baisser de plus en plus la part « abonnement » de leur prix final aux usagers car une part trop élevée rend peu rentable les actions d’efficacité énergétique. Le coût de la chaleur issue de réseaux de chaleur doit rester abordable dans des logements rénovés, sans quoi cela poussera les bâtiments à s’en déconnecter.

Combiner rénovation et réseaux de chaleur décarbonés

Tous les moyens pour décarboner la fourniture en énergie de nos bâtiments doivent être mobilisés et ils ne doivent pas être opposés. L’enjeu est aujourd’hui de réfléchir à la bonne combinaison pour ne plus choisir entre l’un ou l’autre, mais les additionner. De la même façon que notre mix électrique et notre mix de gaz doivent se verdir, il est clé de travailler à rendre encore plus efficaces et moins carbonés les réseaux de chaleur, et de réfléchir à des approches plus intégrées pour les adapter aux évolutions à venir en termes de flexibilité et d’efficacité énergétique. Le projet D2Grids vise précisément à développer cela.

Il est notamment intéressant de réfléchir aux solutions de réseaux de chaleur pertinentes à intégrer pour des projets de construction neuve de bâtiments passifs, ou des projets de rénovation énergétique performante de type EnergieSprong, qui visent un niveau « énergie zéro ». Ces derniers permettent une réduction drastique des consommations d’énergie (étiquette DPE A ou B), avec une production locale d’énergie qui compense le reste à pourvoir.

La performance de ces rénovations est garantie sur le long terme (30 ans), ce qui est un gage de qualité des travaux réalisés, et réduit de manière conséquente et durable la facture énergétique des ménages. La production locale d’énergies renouvelables, avec l’installation de panneaux photovoltaïques par exemple, permet de fournir une partie de l’électricité consommée par le bâtiment ou le fonctionnement des pompes à chaleur d’un réseau de chaleur basse température. Ce type de projet réduisant la demande pose aussi la question d’extension de réseaux de chaleur existants au moment de ces opérations de rénovation, pour permettre de valoriser sur plus de logements la capacité de fournir de l’énergie du réseau.

La démocratisation de ce système de rénovation à très haute performance, combinée à des réseaux de chaleur basse température et l’accélération de leur déploiement permettront de participer à l’atteinte des objectifs de réduction des consommations, de développement des énergies renouvelables et de réduction de la précarité énergétique que s’est fixés la France. Soyons créatifs pour associer de façon innovante ces solutions !