Qu’est-ce que l’énergie fatale ?

L’énergie fatale, souvent perçue comme perdue, a en réalité un potentiel considérable. Elle se manifeste sous différentes formes (chaleur ou gaz) et provient le plus souvent de processus industriels. L’ADEME estime que 36 % de la consommation d’énergie des industriels est perdue. Cette énergie résiduelle, si elle n’est pas utilisée au moment de sa disponibilité, peut être récupérée et valorisée pour d’autres usages, offrant ainsi des avantages non négligeables en termes d’économie d’énergie. Découvrons ensemble ses bénéfices.

Vue aérienne d'une usine avec des panneaux solaires sur le toit

L’énergie fatale ou de récupération, de quoi s’agit-il ?

L’énergie fatale, aussi appelée énergie de récupération, se réfère à l’énergie résiduelle produite lors de divers processus et qui est perdue si elle n’est pas immédiatement utilisée. Elle est présente ou piégée dans certains produits ou processus.

Au lieu de la laisser se dissiper inutilement, cette forme d’énergie peut être récupérée ou valorisée. Par exemple, la chaleur générée par le froid industriel, qui serait normalement perdue, peut être captée et réintégrée dans un processus de production.

Cela peut se faire à différents niveaux :

  • au sein de l’installation industrielle elle-même,
  • en la redistribuant à des utilisateurs externes publics ou privés, industriels ou tertiaires (piscines, hôpitaux, logements sociaux…) via un réseau de chaleur.

Les principaux « gisements » d’énergie fatale

L’énergie fatale, souvent sous forme de chaleur, peut être récupérée à partir de plusieurs sources, appelées « gisements ». En France, les principaux secteurs concernés sont :

  • L’industrie : elle représente le gisement le plus important. L’agro-alimentaire, la chimie, la plasturgie, le secteur papier-carton et les métallurgies sont les principaux producteurs de chaleur fatale.
  • Les usines d’incinération des ordures ménagères
  • Les stations d’épuration des eaux usées
  • Les centres de données (data center)

Ces sources peuvent varier en termes de qualité de la chaleur produite, notamment en ce qui concerne la température, ce qui peut influencer les méthodes de récupération et de valorisation de la chaleur.

Les principaux avantages de l’énergie fatale

Il existe plusieurs moyens de limiter l’énergie fatale :

  • Adapter les utilités (moyens nécessaires au fonctionnement de l’usine comme l’électricité, air comprimé, froid, vapeur, etc.) aux besoins réels du site
  • Mettre en place des systèmes de récupération et de valorisation de la chaleur fatale

Ces moyens présentent de nombreux avantages.

La réduction de ses factures énergétiques

L’énergie perdue sous forme de chaleur, une fois captée et valorisée, permet de réduire la consommation d’énergie, d’où une réduction des factures. Les industries peuvent exploiter cette chaleur pour minimiser l’utilisation de leurs dispositifs de chauffage, par exemple, ce qui entraîne une diminution des coûts liés à l’achat d’électricité ou de combustibles.

Il faut noter que la mise en place de cette démarche peut requérir un investissement initial. Toutefois, à long terme, l’utilisation de chaleur fatale dans les entreprises et les industries permet de réaliser des économies financières substantielles.

Ainsi, les entreprises gagnent en compétitivité en diminuant leurs dépenses énergétiques.

Par ailleurs, la récupération et valorisation de chaleur fatale contribuent à la diversification des sources d’énergie, renforçant ainsi la sécurité d’approvisionnement énergétique, dans un contexte de forte volatilité des prix de l’énergie, partiellement dû à la guerre en Ukraine.

Enfin, dans le cadre d’un réseau de chaleur, les usagers réalisent également des économies car ils n’ont pas besoin d’investir dans un système de production de chaleur et achètent une énergie décarbonée à un coût stable et attractif.

L’amélioration de l’efficacité énergétique

La valorisation de l’énergie fatale contribue à l’amélioration de l’efficacité énergétique en optimisant l’utilisation des ressources énergétiques existantes. Cela permet d’exploiter l’énergie qui serait autrement perdue, réduisant ainsi le gaspillage d’énergie.

  • Par exemple, la récupération de la chaleur fatale au sein des  verreries ou dans les fermes de serveurs permet d’optimiser l’utilisation de l’énergie initiale consommée.
  • De même, l’usage d’échangeurs thermiques sur un trajet de fumées ou les chaudières à condensation permettent de transformer cette énergie fatale en une forme d’énergie utilisable.

À une échelle plus large, la mise en commun d’une énergie entre acteurs publics et privés est un levier fondamental de la transition énergétique des territoires.

Réduction du gaspillage

La valorisation de l’énergie fatale contribue à limiter le gaspillage d’énergie, en accord avec les principes de l’économie circulaire. Cette démarche, inscrite dans une perspective d’écologie industrielle et territoriale, accélère la décarbonation des territoires, en évitant la consommation d’énergie fossile.

La réduction des émissions de CO₂

La récupération de l’énergie fatale participe activement à la réduction des émissions de CO. En réutilisant l’énergie résiduelle, on diminue la dépendance aux sources d’énergie fossiles, responsables de l’émission de gaz à effet de serre (GES). On estime que le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre est de 8 % par site industriel.

Cela contribue donc à l’atténuation des effets du changement climatique à l’échelle d’un territoire, en ligne avec les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) qui vise la neutralité carbone de la France à l’horizon 2050.

La réduction de l’utilisation d’énergies fossiles permet d’améliorer le bilan gaz à effet de serre des entreprises, en cohérence avec leurs engagements en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Inscrite dans une trajectoire de décarbonation, la réduction des émissions de CO₂ peut être un avantage concurrentiel en termes de fléchage des investissements publics et privés.

En somme, la valorisation de l’énergie fatale constitue une solution efficace pour minimiser les émissions de CO₂ et donc lutter contre le changement climatique et s’aligner avec les objectifs environnementaux.

La création de valeur locale

La chaleur fatale peut être transformée en une source d’énergie qui sera réintégrée dans le réseau local, par le biais de réseaux de chaleur, contribuant à la création de valeur au sein d’une communauté ou d’une région. Cela peut stimuler l’économie locale et créer de nouveaux emplois.

Homme en gilet jaune et casque blanc, observe une pompe dans une usine et prend des notes sur un document

Comment récupérer la chaleur fatale ?

La récupération de la chaleur fatale dépend de plusieurs facteurs, dont le plus crucial est la température du flux de chaleur. Les techniques et solutions de récupération varient en fonction de celle-ci.

Pour les températures élevées, on utilise généralement des systèmes basés sur des cycles thermodynamiques, comme les turbines à vapeur ou les ORC.

Pour les températures plus basses, des pompes à chaleur sont souvent employées pour augmenter la température de la chaleur récupérée avant de la réintégrer dans le processus industriel.

D’autres méthodes de récupération incluent les échangeurs de chaleur, qui transfèrent la chaleur d’un flux à un autre, et les systèmes de stockage thermique, qui conservent la chaleur pour une utilisation ultérieure.

Pour maximiser l’efficacité, il est crucial de bien choisir la méthode de récupération en fonction du mode de production, donc de la source de chaleur fatale.

Comment utiliser et valoriser les énergies de récupération ?

Pour valoriser les énergies de récupération, plusieurs approches sont possibles. Tout d’abord, l’utilisation directe de cette énergie pour le chauffage local est une option intéressante. Par exemple, dans les entreprises industrielles ou les data center, la chaleur produite peut être directement réutilisée pour chauffer les espaces de travail ou l’eau chaude sanitaire ou bien être utilisée pour le process de production. Pour corréler niveau de température et besoin, on peut recourir à des pompes à chaleur et remonter en température la chaleur récupérée.

Une autre option consiste à convertir cette chaleur en électricité. Cela peut être réalisé grâce à diverses technologies, parmi lesquelles les turbines à vapeur et les ORC.

Enfin, l’énergie de récupération peut aussi être utilisée pour alimenter des réseaux urbains en électricité. Cela permet de valoriser l’énergie fatale à plus grande échelle.

Dans tous les cas, la première étape consiste à optimiser son utilisation pour réduire le gaspillage. Cela peut passer par l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements, la révision des processus ou encore l’isolation thermique.

Les actions de récupération de chaleur peuvent porter sur des utilités (air comprimé, production de froid) ou sur les procédés (fumées d’un four, buées d’une tour d’atomisation, procédé de séchage, par exemple).

Compresseur bleu dans une usine

Comment financer la récupération d’énergie ?

Pour récupérer l’énergie fatale, l’investissement nécessaire peut être réduit par le recours à certaines solutions de financement.

Les Certificats d’Economie d’Energie

Le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie permet d’obtenir des primes dans le cadre d’actions ou de travaux d’amélioration de la performance énergétique, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation d’énergie. Des opérations standardisées sont formalisées au sein de fiches, et plusieurs concernent la récupération d’énergie dans l’industrie :

  • sur un groupe de production de froid,
  • sur une tour aéroréfrigérant,
  • sur un compresseur d’air,
  • ou sur un four industriel.

Certains sites industriels étant soumis au PNAQ, ils peuvent bénéficier de CEE en opération spécifique. Les critères d’éligibilité sont différents de ceux des fiches standards et concernent le volume de gains énergétiques, par rapport à une situation de référence et le temps de retour brut.

Les subventions nationales

Les subventions nationales (Fonds Chaleur ADEME par exemple) ont pour vocation de soutenir les projets de décarbonation et d’efficacité énergétique des industriels. Pour y prétendre, le montage d’un dossier est nécessaire

Le dossier doit indiquer la viabilité technique du projet, mais aussi aborder les aspects financiers (évaluation des investissements et économies associées ou montage du business plan).

 Les autres solutions de financement

Pour financer le reste à charge, d’autres solutions de financement sont envisageables (contrat clé en main, CPE, CEE et location ou tiers-financement…).

En résumé

L’énergie fatale est une ressource énergétique souvent négligée qui peut être utilisée de manière efficace pour réduire les coûts énergétiques et participer à la décarbonation. Sa récupération et valorisation présentent des avantages majeurs tels que l’amélioration de l’efficacité énergétique, la réduction des dépenses énergétiques et la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour récupérer cette énergie, allant des échangeurs de chaleur aux systèmes de stockage thermique, et leur choix dépend principalement de la température du flux de chaleur. Une fois récupérée, l’énergie fatale peut être utilisée directement pour le chauffage des locaux, convertie en électricité ou même utilisée pour alimenter des réseaux urbains.