GreenFlex Actualités Articles Décarboner l’industrie grâce aux énergies renouvelables Décarbonation de l’industrie : 5 questions à Noémie Papon L’industrie représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. La décarbonation du secteur est donc incontournable pour que la France parvienne à atteindre l’objectif fixé par les différentes feuilles de route. Le recours aux énergies renouvelables est un levier à activer pour y parvenir. Noémie Papon, directrice de projet industrie chez GreenFlex répond à 5 questions sur les EnR dans ce secteur. La stratégie de décarbonation en France La Stratégie Nationale Bas Carbone est la feuille de route fixée par la France pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays, dans tous ses secteurs. Pour cela, elle recommande 2 voies : La réduction de la consommation énergétique à travers la sobriété et l’efficacité énergétique L’accélération de la production et de la consommation d’énergie d’origine renouvelable Rappelons que pour décarboner, il faut agir dans le bon ordre et avoir recours aux énergies renouvelables une fois que l’on a réalisé toutes les actions de sobriété et d’efficacité énergétique. Cette approche permet notamment de dimensionner les installations d’EnR selon ses besoins réels. Ce qui réduit au maximum les consommations d’énergie. Par ailleurs, d’après la dernière feuille de route énergie-climat transmise à la Commission européenne, la France vise la production d’une énergie décarbonée à 60 %, grâce au nucléaire, mais aussi aux sources d’énergie valorisables dont : La biomasse : cette source inclut les déchets de l’agriculture et des produits bois, ainsi que le bois-énergie. La biomasse est une ressource renouvelable qui peut être utilisée pour produire de l’énergie thermique ou électrique. La chaleur : la géothermie, les pompes à chaleur et la chaleur fatale industrielle constituent des sources importantes de chaleur renouvelable. Ces technologies permettent d’exploiter la chaleur naturelle de la terre ou de recycler la chaleur perdue dans les processus industriels. L’électricité décarbonée : le nucléaire, le photovoltaïque et l’éolien sont des sources clés pour produire de l’électricité bas carbone. Le développement de ces technologies est essentiel pour atteindre les objectifs de décarbonation. Les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’industrie L’industrie émet 20 % des gaz à effet de serre en France et représente 20 % des consommations d’énergie. Les secteurs les plus émetteurs sont issus de l’industrie de première transformation des matières premières : La chimie : 25 % des émissions L’acier : 22 % des émissions Le ciment : 12 % des émissions Le verre : 3 % des émissions Le sucre : 3 % des émissions Le papier-carton : 2 % des émissions L’aluminium Les procédés thermiques employés dans ces secteurs, qui ont pour but une transformation des produits (par exemple, les fours) ou la production d’utilités comme la vapeur, sont très énergivores. Pour décarboner, les acteurs industriels ont travaillé avec l’ADEME à la création de Plans de Transition Sectoriels (PTS). Il s’agit de trajectoires de décarbonation, intégrant les freins et leviers, mais aussi les investissements nécessaires et les risques externes, comme les réglementations ou le prix de l’énergie. Ces plans aboutissent à une feuille de route de décarbonation. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie sont en baisse depuis plusieurs années (-8,1 % entre 2021 et 2022, -8,7 % entre 2022 et 2023). Cela est dû en partie à une diminution de la production dans les secteurs du ciment, de l’acier et de la chimie, qui sont parmi les plus émetteurs. Mais pour atteindre l’ambition fixée à 2030 par la SNBC, les réductions doivent se poursuivre, entre 2,2 % et 4,4 % par an. 5 questions à Noémie Papon sur les EnR dans l’industrie 1. Quelles sont les sources d’EnR (solaire, éolien, biomasse, géothermie, etc.) les plus utilisées par l’industrie française ? Notre analyse des trajectoires bas carbone de 205 sites industriels indique que 64 % des feuilles de route construites incluaient au moins un projet d’énergie renouvelable ou de valorisation des déchets. Le photovoltaïque est plébiscité pour sa simplicité de mise en œuvre, car la solarisation n’a pas d’impact sur le process. La réglementation favorise aussi ce développement. La loi APER oblige la solarisation ou la végétalisation des toits de bâtiments de plus de 500 m² et la solarisation de 50 % des parkings de plus de 1 500 m². Avec la forte augmentation du prix du gaz, les industriels investissent surtout pour décarboner leurs besoins en énergie thermique. Ils se tournent vers la biomasse, par exemple, pour leurs besoins de chaleur à haute température destinés aux process. La méthanisation est également un recours, qui a l’avantage d’être utilisable comme du gaz naturel, et ne nécessite donc pas de modifier les process. Ceux deux options permettent de valoriser ses déchets (bois, fruits, légumes, huiles, boues de stations d’épuration, etc.) dans une démarche d’économie circulaire. 2. Quelles actions les industriels peuvent-ils mettre en œuvre pour décarboner ? La majorité des industriels a initié sa démarche et ont atteint le stade de la construction de leurs feuilles de route de décarbonation. Et c’est ce qu’on observe chez GreenFlex, avec une forte demande sur les accompagnements aux trajectoires bas carbone. Pour répondre à cette demande, l’ADEME partage des méthodologies et met en place des subventions destinées à la décarbonation du secteur. Après la stratégie viendra le temps de l’investissement pour déployer les projets, qui peuvent parfois être complexes d’un point de vue technologique. En effet, l’industrie lourde requiert des températures élevées, elle doit donc trouver les technologies qui respectent ses process de production. Mais il existe plusieurs leviers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : L’allongement du cycle de vie des produits, La réduction de l’utilisation de gaz ayant un fort pouvoir de réchauffement global, La valorisation de la chaleur fatale sur leur site et grâce aux réseaux de chaleur, L’électrification des procédés, lorsque c’est pertinent, Le développement de technologies de capture et stockage du carbone. Le secteur de l’acier, par exemple, envisage pour sa décarbonation : Refondre les procédés et augmenter la proportion d’acier recyclé dans la production et dans la consommation d’acier, Investir et innover pour décarboner la filière hauts fourneaux, Recourir à l’hydrogène et à l’électricité comme nouvelles solutions décarbonées de production, Développer le stockage du carbone. Ces solutions nécessiteront des investissements importants, ce qui freine leur déploiement. 3. Quels sont les principaux freins concernant le recours aux EnR dans l’industrie ? Les freins techniques L’obstacle principal rencontré par les industriels est technique. En effet, toutes les énergies renouvelables ne peuvent pas répondre au niveau de température requis par les process industriels. Par ailleurs, la production et le besoin d’énergie peuvent être asynchrones : un site qui fonctionne en journée ou qui doit être arrêté le week-end ne profitera pas d’une installation biomasse, qui ne peut pas être stoppée pour une courte durée. Il en est de même pour la méthanisation qui ne peut être facilement arrêtée ou doublée. C’est pourquoi la réhausse de température par une pompe à chaleur ou le stockage de la chaleur peuvent être implémentées pour contourner ces contraintes. Face à l’intermittence du solaire et de l’éolien, il est crucial de développer des solutions de stockage efficaces et des réseaux de distribution adaptés à ces nouvelles sources d’énergie. Les freins réglementaires Les installations EnR nécessitent de nombreuses autorisations (déclarations ICPE, autorisations de construction…). Par ailleurs, des lourdeurs administratives (contraintes et délais sur les projets) sont souvent rencontrées par les industriels. Des raisons économiques Le troisième frein rencontré par les industriels est économique et concerne principalement les investissements initiaux. Par ailleurs, les contraintes d’exploitation peuvent être importantes. Une chaudière biomasse est plus complexe à gérer car il faut stocker et charger le bois ou encore surveiller l’installation. Cependant, ces coûts peuvent être amortis sur le long terme grâce aux économies d’énergie réalisées, les avantages portant sur le coût complet de l’installation : Économies sur les coûts de l’énergie Maîtrise des prix à long terme Gains sur les quotas carbone Enfin, le temps de retour sur investissement des projets peut être diminué grâce à des subventions. 4. Quels sont les dispositifs financiers mis à disposition des industriels ? Les subventions incitant au développement des EnR sont nombreuses : Aides à l’étude Aides à l’investissement pour les projets de décarbonation Tarifs de rachat pour le biogaz ou l’électricité photovoltaïque réinjectés sur le réseau De plus, la combinaison de ces aides aux Certificats d’Economie d’Energie réduit fortement le reste à charge d’un projet de décarbonation. Les CEE, peuvent d’ailleurs parfois couvrir 100 % de l’investissement. Et si le reste à charge n’est pas couvert, des solutions de tiers financement peuvent être agrégées aux subventions. Rappelons que 2025 est une année clé concernant la récupération de chaleur, car 3 nouvelles primes CEE soutiennent cette démarche. 5. Quelles prévisions sur la décarbonation du secteur ? Le mécanisme d’échanges de quotas (EU-ETS) incite les industriels à réduire leurs émissions : le nombre de quotas gratuit distribués aux industriels diminue chaque année, ce qui pousse à consommer des énergies renouvelables plutôt que d’origine fossile. Cependant, avec la diminution du coût du gaz, les projets ralentissent et les temps de retour sur investissement augmentent. On peut craindre que les industriels soient moins enclins à décarboner aujourd’hui. Toutefois, au regard des engagements pris par certains (50 sites parmi les plus émetteurs ont publié en décembre 2023 un objectif de réduction de 45 % de leurs émissions à horizon 2030), des réglementations et des aides financières, nous avons bon espoir que les projets se poursuivent. D’autant plus que le marché est de plus en plus incitatif avec des investisseurs, actionnaires, clients ou fournisseurs, qui encouragent à se tourner vers les énergies renouvelables. Décarbonation de l’industrie : d’autres ressources Énergie biomasse : définition et enjeux L’énergie fatale : définition et avantages Récupération de chaleur : faire des économies d’énergie dans l’industrie Installation de panneaux solaires pour les entreprises Décryptage subventions énergie-carbone industrie Transition bas carbone Financement de projets industriels Accompagnement à l’installation et financement d’une chaufferie biomasse – Grap’Sud