Quels sont les objectifs et les enjeux de la décarbonation dans l’industrie ?

L’industrie représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Les objectifs de réduction de ces émissions sont ambitieux et nécessitent la mise en œuvre de différentes actions. Pour cela, les industriels peuvent recourir à des aides et subventions, à compléter avec des dispositifs de tiers-financement.

Vue aérienne d'un glacier bleu et d'une langue de terre jaune

Qu’est-ce que la décarbonation ?

Décarbonation et décarbonisation quelles différences ?

Les termes décarbonation et décarbonisation font référence à la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES). Décarbonisation est un anglicisme, auquel est souvent préféré le terme de décarbonation.

Dans le détail, la décarbonation a pour objectif de réduire les émissions de GES (CO₂, méthane, protoxyde d’azote, gaz fluorés…) des acteurs économiques, des particuliers et des institutions. L’objectif est de limiter le réchauffement climatique, causé par ces émissions, fruits des activités humaines.

L’un des principaux leviers sur les scopes 1 et 2, est la diminution du recours aux énergies fossiles : charbon, pétrole ou gaz.

Les objectifs français et européens

La France et l’Union européenne sont signataires de l’Accord de Paris, qui fixe la limitation du réchauffement climatique à + 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Ce seuil a été défini par les experts du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat). L’atteinte de la neutralité carbone est une ambition internationale qui a pour but de limiter le réchauffement à son minimum. Les signataires de l’Accord de Paris ont défini 2050 comme année cible pour cet objectif.

En 2015, la France adopte la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui donne de premières cibles à atteindre. Puis en 2019, le pays adopte un autre texte, la loi Energie-Climat, qui réhausse les ambitions de la France.

Illustration de la stratégie nationale bas carbone

Depuis 2015, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), plan d’action détaillé, dresse pour chaque secteur, les leviers pour réduire les émissions de GES. C’est avec sa révision en 2019 que le Ministère de la Transition écologique et solidaire fixe la date de 2050 pour atteindre la neutralité carbone. Une SNBC-3 est actuellement en cours de préparation.

En 2017, l’industrie était à l’origine de 17 % des émissions de gaz à effet de serre de la France.

L’industrie de première transformation des matières premières concentre les émissions et représente 64 % des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie française. Les principaux sous-secteurs émetteurs sont la chimie (25 %), l’acier (22 %), le ciment (12 %), le verre (3 %), le sucre (3 %), le papier – carton (2 %) et l’aluminium.

D’ici 2050, l’industrie devra avoir réduit de 81 % ses émissions de gaz à effet de serre, par rapport à 2017. C’est l’objectif de réduction le plus important fixé par la SNBC pour les secteurs de l’économie française.

La SNBC prévoit une réduction de 35 % de ses émissions en 2030 et de 81 % en 2050. Pour cela, les industriels pourront :

  • Décarboner leurs systèmes de production
  • Réviser leurs procédés et diminuer au maximum leurs émissions de gaz à effet de serre
  • Utiliser des énergies décarbonées
  • Développer l’économie circulaire

Les acteurs industriels sont invités à créer des Plans de Transition Sectoriels (PTS). Il s’agit de trajectoires de décarbonation, réalisés avec l’ensemble de la filière. Ils permettent :

  • d’identifier les leviers et les freins à la transition,
  • d’analyser les investissements adéquats,
  • d’anticiper les impacts externes (coût de l’énergie, réglementation, etc.),
  • de construire une feuille de route.

Au niveau européen, le Pacte Vert (Green Deal) lancé en 2019, fixe 2050 comme horizon pour atteindre la neutralité carbone. Mais 2030 représente également un déjà un jalon majeur, avec les mesures du paquet « Fit for 55 ». Celui-ci cible la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport à 1990.

L’ambition sous-jacente de l’ensemble de ces lois et plans d’action est de parvenir à équilibrer les émissions carbone d’origine humaine et leur captation par les puits de carbone.

Quels sont les enjeux de la décarbonation de l’industrie ?

Un enjeu réglementaire

Baisse des quotas carbone (-4,3% par an de 2024 à 2027 et -4,4% par an de 2028 à 2030), BEGES (bilan de gaz à effet de serre) ou taxonomie verte, les réglementations visant à la décarbonation des entreprises se sont multipliées :

  • Le marché du carbone européen, créé en 2005, oblige les industries les plus émettrices à payer leurs émissions de gaz à effet de serre. Avec la création d’un nouveau marché en 2027, « Fit for 55 » étend le mécanisme à la petite industrie. Ces droits à émettre seraient payés par les fournisseurs d’énergie (gaz, fioul, carburants) et se répercuteront sur les factures des clients. Ainsi, les entreprises seront incitées à choisir des modes de transports ou des énergies plus durables.
  • Le plan REPower EU et plus précisément les textes de Fit for 55, imposent aux entreprises dont la consommation d’énergie annuelle moyenne dépasse les 23,6 GWh à mettre en place un système de management de l’énergie certifié. Les entreprises dépassant 2,78 GWh et sans système de management de l’énergie devront réaliser un audit énergétique avant octobre 2026, à renouveler tous les 4 ans.
  • Le Bilan GES réglementaire, premier pas vers une stratégie de décarbonation, doit être réalisé tous les 4 ans par les entreprises :
    • de plus de 500 salariés dans l’Hexagone,
    • de plus de 250 salariés en outre-mer.

Vous souhaitez mesurer vos émissions de gaz à effet de serre ? Découvrez notre outil Bilan Carbone® !

Vue aérienne de fleurs sauvages

Un enjeu écologique

Réchauffement et acidification des océans, déplacement des espèces vers des climats plus adaptés, effondrement de la biodiversité, sécheresses, inondations… Les conséquences du réchauffement sont déjà présentes.

Les attentes sont d’autant plus fortes que 55 % du PIB mondial dépend aujourd’hui de la biodiversité. Ainsi, limiter les conséquences du changement climatique sur les écosystèmes est capital pour les industries.

Un homme blanc assis sur un canapé à gauche de deux femmes

Un enjeu financier

La décarbonation de l’industrie est également un enjeu financier : en effet, avec la taxonomie verte et le règlement Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), les organismes financiers et investisseurs sont incités à veiller à la durabilité des entreprises qu’elles soutiennent. Ainsi, ce sont les industries les moins émettrices et aux projets les plus vertueux qui seront favorisées.

D’autre part, l’accès à des conditions de financement plus favorables peut dépendre des impacts environnementaux d’un projet. C’est notamment le cas pour les Certificats d’Economie d’Energie ou les subventions ADEME.

Les principaux leviers de décarbonation du secteur industriel

Pour décarboner, il est indispensable d’agir dans le bon ordre et de privilégier d’abord les actions de sobriété et d’efficacité énergétique, avant de procéder à des actions d’électrification ou de recours aux énergies renouvelables et de récupération.

Sobriété et efficacité énergétique

Il s’agit de l’ensemble des actions à adopter pour réduire les consommations énergétiques de son site. D’après notre enquête sur les trajectoires bas carbone de 205 sites industriels, ces leviers peuvent réduire de 15 à 20 % les consommations d’énergie. Et en réduisant les consommations d’énergie fossile, notamment, on réduit les émissions de gaz à effet de serre.

Concrètement, on peut abaisser la température de chauffage d’un espace, réduire les consignes de pression d’air comprimé ou baisser la pression du réseau de vapeur.

83 % de ces actions sont sans investissement et liées aux utilités !

Sur le volet de l’efficacité énergétique, il peut s’agir de remplacer ses équipements par de plus performants. En effet, l’innovation est constante, en termes d’équipements ! On peut encore optimiser les réglages sur des équipements existants ou les piloter.

Mix énergétique

Une fois les usages réduits au maximum, d’autres actions peuvent être envisagées pour diminuer le recours aux énergies fossiles.

Il est possible de modifier les procédés ou systèmes afin de répondre aux besoins du site. Par exemple, électrifier les équipements (fours matériaux, chaudières, sécheurs…).

Le recours aux énergies renouvelables (EnR) est également une solution et les sources d’énergies sont plurielles :

  • la biomasse énergie, pour les besoins en chaleur haute température, ou la méthanisation, notamment chez les industriels disposant de déchets valorisables.
  • le photovoltaïque, sans impact sur le process, est favorisé par la loi APER, qui oblige la solarisation des toitures de bâtiments de plus de 500 m² et de 50 % des parkings de plus de 1 500 m².

Enfin, la récupération de chaleur fatale permet aussi de réduire ses consommations d’énergie.

L’ensemble de ces actions peuvent réduire jusqu’à 80 % des émissions pour certains sites industriels.

Aperçu des écrans de GreenFlexIQ

Comment mettre en place une stratégie de décarbonation efficace ?

Réaliser un état des lieux en calculant votre empreinte carbone

Pour décarboner, il faut savoir d’où l’on part. Réaliser un bilan carbone d’entreprise aide les industries à dresser une cartographie de ses émissions de CO2. Cette démarche peut être accompagnée par une plateforme SaaS, telle que GreenFlex IQ pour faciliter la collecte de données, les analyser et les suivre dans le temps.

Définir une stratégie adaptée

Le deuxième volet consiste à définir des objectifs. Pour cela, on peut adopter une approche « Science-Based Targets » (SBT). C’est également à ce stade que les plans d’action sont définis. Il est donc indispensable de modéliser, en parallèle, les projets d’investissements adaptés aux objectifs. PACTE Industrie accompagne les entreprises par (entre autres) le financement de programmes d’élaboration de la trajectoire d’investissement.

Réduire son empreinte carbone en mettant en œuvre ses projets

Vient enfin le moment de dérouler son plan et de réaliser les actions d’efficacité énergétique et de trajectoire d’évolution du mix énergétique identifiées :

  • valorisation de chaleur fatale,
  • production d’énergies renouvelables,
  • électrification des process,
  • mobilité,
  • pratiques d’achats durables,
  • valorisation des déchets…

En effet, ces projets de décarbonation de l’industrie peuvent également porter sur un périmètre plus large que la production.

Pour réaliser les projets, les industriels peuvent faire appel à des entreprises partenaires pour leurs études techniques et de conception, l’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage, ou même pour une solution clé en main.

Et pour le talon résiduel des émissions, les entreprises sont encouragées à financer des projets de compensations carbone, visant à développer les puits de carbone, idéalement sur leur propre territoire.

Logo ACT

Evaluer, adapter et certifier sa démarche

Une fois les actions en œuvre, arrive le temps de l’évaluation de la performance. Cette étape est indispensable pour s’assurer de la cohérence de la stratégie de décarbonation avec les objectifs fixés, mais aussi avec les attentes nationales et européennes. La démarche ACT Evaluation est un support pour déterminer la pertinence de sa stratégie et un point de départ pour l’adapter.

La norme ISO 14 064 encadre la mesure et la compensation des émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise. Si elle ne certifie pas la démarche de décarbonation, cette norme reste utile pour agir de manière structurée dans l’établissement de son Bilan Carbone®.

Les programmes et aides disponibles

Comment parvenir à adopter des actions de décarbonation, quand les investissements sont parfois si lourds ?

Des aides, subventions et leviers de tiers-financement permettent aux industries de réaliser les travaux de décarbonation nécessaires.

Pour décarboner l’industrie, les acteurs économiques peuvent faire appel à des subventions pour réaliser :

  • leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre
  • leurs audits énergétiques
  • leur feuille de route d’investissements bas carbone
  • leurs études d’opportunité d’évolution de leur mix énergétique
  • leurs études de faisabilité portant sur la rénovation de leurs systèmes de production de froid, de chaud ou encore la récupération de chaleur
  • la mise en œuvre de leur système de management de l’énergie
  • l’évaluation de leur stratégie de décarbonation

L’ADEME propose des subventions spécifiques suivant les projets tels que PACTE Industrie, le Fonds Chaleur, les appels à projets France 2030 comme DECARB IND…

D’autres leviers peuvent être combinés, tels que les Certificats d’Economies d’Energie (CEE), qui réduisent le reste à charge des projets de décarbonation. Les industriels soumis au Système d’Échanges des Quotas d’Émissions (SEQE) ont désormais accès aux CEE, dans le cadre d’opérations spécifiques (hors fiches standardisées). Ainsi, ils peuvent optimiser leurs consommations d’énergie et donc décarboner leur activité.

En résumé

Les objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie sont ambitieux. Heureusement, les solutions pour décarboner l’industrie sont nombreuses et relèvent autant d’actions rapides, sans investissement, que de projets de remplacement d’équipements. La sobriété, l’amélioration de l’efficacité énergétique ou le recours aux EnR seront les piliers d’une trajectoire vers une industrie zéro fossile.

La décarbonation des sites industriels nécessite également des investissements plus lourds. C’est pourquoi des aides, primes et subventions ont été mises en place.