Stratégie nationale bas carbone : quel lien avec les entreprises ?

Face aux enjeux climat et à l’impératif de décarboner, la stratégie nationale bas carbone définit les objectifs et moyens pour réduire les émissions carbone de la France et de tous ses secteurs

C’est quoi la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) ?

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Elle définit le scénario lié à la stratégie de décarbonation du pays à l’horizon 2050, ainsi que les objectifs, les orientations et jalons intermédiaires pour y parvenir. Ces derniers prennent la forme de budgets carbone, c’est-à-dire des plafonds d’émissions fixés pour des périodes de 5 ans. Ainsi, la SNBC conjugue long et court terme.

Les efforts à réaliser concernent tous les secteurs et tous les types d’acteurs : entreprises, collectivités, citoyens. Cette stratégie d’atténuation du changement climatique est adossée à deux autres documents : le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC), qui traite le volet adaptation, et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui définit la feuille de route pour la transition énergétique de la France, intégrant aussi bien la sobriété et l’efficacité, que le mix énergétique.

Illustration de la stratégie nationale bas carbone

Pourquoi une mise à jour de la stratégie nationale bas carbone en 2023 ?

La première SNBC a vu le jour en 2015, dans le sillage de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTCV). Elle visait alors le facteur 4, soit une réduction de 75 % des émissions de GES d’ici 2050 par rapport à 1990.

La révision de 2019 a laissé place à la SNBC 2. Le double objectif du Ministère de la Transition écologique et solidaire était alors d’atteindre la neutralité carbone en 2050, et de réduire l’empreinte carbone des Français, y compris les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de biens et services importés. Pour 2030, un objectif intermédiaire de 40 % de réduction des émissions de GES était aussi fixé.

Une nouvelle refonte est en cours. Elle vise à mettre à jour la trajectoire de transition bas carbone pour coller aux ambitions rehaussées de la France sur la période à venir. Dans le cadre du Pacte vert européen, elle s’est en effet engagée à une réduction de 55 % des émissions d’ici 2030. Il est également nécessaire de mettre à jour les budgets carbone et les efforts à fournir, compte-tenu du non-respect des échéances précédentes. Ce dernier point a notamment été souligné par le rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat¹, sorti en juin 2023.

1 Haut Conseil pour le Climat

Quelle est la stratégie bas carbone actuelle ? 

Pour l’heure, le scénario de la SNBC propose quatre grands axes pour atteindre la neutralité carbone au niveau national d’ici 2050 :
  1. Décarboner totalement la production d’énergie (biomasse, géothermie, pompes à chaleur, électricité décarbonée)
  2. Réduire fortement les consommations énergétiques dans tous les secteurs (notamment via l’efficacité énergétique des équipements, une plus grande sobriété des modes de vie et le développement d’une économie circulaire)
  3. Réduire fortement les émissions de GES non énergétiques (- 38 % pour le secteur agricole entre 2015 et 2050 ; – 60 % pour les procédés industriels sur cette même période)
  4. Augmenter et sécuriser les puits de carbone (sols, forêts, produits issus de la bioéconomie, technologies de capture et stockage du carbone)

En plus, elle formule des principes pour guider les politiques publiques et faciliter la mise en œuvre de cette trajectoire. Ils concernent aussi bien la gouvernance aux échelles nationale et territoriale, que la réorientation des flux financiers vers la transition écologique et sociale, le soutien à l’innovation, le renforcement de l’éducation et la sensibilisation des citoyens, ou encore l’évolution de l’emploi et la formation professionnelle.

Quelles conséquences de la SNBC pour les acteurs économiques ?

La SNBC propose enfin des orientations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de chaque secteur (agriculture, industrie, transport, etc.). Elle décline les objectifs de décarbonisation pour chacun, et indique les moyens pour la mise en œuvre. Les entreprises doivent bien sûr prendre leur part dans l’atteinte de ces objectifs.

Focus sur trois secteurs

Bâtiment

En 2017, la part des émissions de ce secteur en France était de 19 %. L’objectif de réduction pour 2030 est très ambitieux, avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 49 %. En 2050, l’objectif est d’atteindre une décarbonation complète. Pour cela, divers leviers pourront être mis en place : utilisation de matériaux à faible impact carbone, efficacité énergétique des bâtiments neufs et rénovés, adoption d’énergies bas carbone pour les usages d’éclairage, de chauffage, de ventilation ou de climatisation…

Agriculture

Le secteur agricole représente lui aussi 19 % des émissions françaises. Le but est de réduire de 19 % ses émissions de GES d’ici à 2030, pour atteindre – 46 % en 2050. Pour cela, le secteur pourra développer des pratiques agricoles telles que l’agroforesterie ou l’agroécologie. Les acteurs pourront également être pourvoyeurs de matériaux et d’énergie pour d’autres secteurs, dans une démarche de bioéconomie. Enfin, la demande alimentaire pourra évoluer pour favoriser la production d’aliments moins générateurs d’émissions.

Industrie

L’industrie comptait pour 17 % des émissions de GES en 2017. En 2030, elle devra avoir réduit de 35 % ses émissions, et de 81 % en 2050. Pour atteindre ces cibles, les industriels pourront réviser leurs systèmes de production, afin qu’ils soient bas carbone. Les procédés eux aussi seront revus et développés pour diminuer au maximum les émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation d’énergies décarbonées est un impératif ainsi que le développement de l’économie circulaire, par exemple dans une démarche d’écologie industrielle et territoriale.

Graphique des trajectoires de décarbonation par secteur

Quelles sont les prochaines étapes ?

Fruit de la loi énergie-climat, adoptée en 2019, la première loi de programmation énergie-climat (LPEC) doit être votée à l’automne 2023. Elle déterminera les objectifs de priorités de la France en matière de politique énergétique face à l’urgence écologique et climatique, et ce pour cinq ans. La SNBC et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie permettront la mise en œuvre de cette stratégie, et seront mises à jour en conséquence d’ici l’été 2024.

Tous ces documents de planification sont très attendus. En juillet 2023, le Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE) a publié son premier tableau de bord, indiquant notamment les trajectoires de réduction d’émissions pour chaque grand secteur à l’horizon 2030. Il donne ainsi de premières indications pour la SNBC 3, dont une ébauche de scénario pourrait être présentée lors du conseil de la planification écologique prévu à la rentrée.

Planifier est indispensable. Passer à la réalisation concrète, au moins autant. En plus de montrer que les budgets carbone de la SNBC sont dépassés, le Haut conseil pour le climat regrettait dans son récent rapport le manque de suivi des indicateurs. Connaître le cap doit servir à nous assurer que nous nous dirigeons dans la bonne direction vers le développement d’une société bas carbone. Une fois qu’il sera fixé, chaque acteur pourra s’assurer qu’il participe à l’atteinte collective de l’objectif neutralité carbone en 2050.